Voilà vingt-huit ans que le Président Félix Houphouët-Boigny nous a quittés. Mais pour ceux qui croient aux forces de l’esprit, il est toujours avec nous. Il est vivant en nos cœurs, en notre pays bien-aimé par les valeurs fortes qu’il a défendues, par les idées généreuses qu’il a semées toute sa vie durant, par les actions multiples qui en étaient inspirées et qui ont permis les progrès remarquables dans tous les domaines.
Célébrer son souvenir, nous oblige cependant à tirer toutes les leçons de l’évolution de notre pays depuis sa disparition. Tous les Ivoiriens doivent tirer les leçons de leur passé et de leur présent par un devoir d’inventaire, un devoir de repentance et un devoir de mémoire.
Devoir d’inventaire parce que tout héritage se fait sous bénéfice d’inventaire .Félix Houphouët-Boigny a légué à son pays un immense héritage. Héritage matériel par ses multiples et remarquables réalisations économiques, sociales et culturelles. Héritage immatériel constitué par sa pensée, les valeurs permanentes de paix, de dialogue, de tolérance et de solidarité. Héritage politique enfin que constitue le parti qu’il a créé, le Parti Démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI-RDA), sa doctrine, l’houphouétisme désormais en partage avec tous ceux qui s’en réclament. Qu’avons-nous fait de toute son œuvre immense ? Qu’en reste-t-il ? Comment le faire fructifier ? Vaste question !
Souvenons-nous de ces mots de Félix Houphouët-Boigny :
« Dans cette Côte d’Ivoire où est vive la conscience de la responsabilité de génération en génération, la fierté veut que chacun de nous laisse, à la génération future, davantage qu’il n’a reçu. »
Nous avons aussi un devoir de repentance. Pour l’outrage fait au Grand Homme au soir de sa vie, il nous faut faire acte de contrition, même imparfaite. Nous pourrions ainsi nous réconcilier avec sa mémoire, afin de nous réconcilier avec nous-mêmes et retrouver cette paix introuvable.
Nous avons enfin un devoir de mémoire, autrement dit une obligation morale de nous souvenir du Grand Homme, de son action au service de son pays, de son continent et du monde. Ce devoir prend la forme de journées du souvenir pour la date anniversaire de sa naissance et celle de son décès. Il peut s’appliquer dans le cadre des programmes d’enseignement et de recherche sur sa pensée, sa vie et son œuvre. Il doit s’exprimer aussi sur le plan artistique et mémoriel par la construction d’un Mémorial Houphouët-Boigny à Abidjan, la réalisation du Musée Houphouët-Boigny à Yamoussoukro, la réalisation d’ouvrages historiques, biographiques, politiques, littéraires et de films.
La Fondation qui porte le nom de son illustre donateur s’emploie, et c’est sa mission, à pérenniser sa mémoire, à transmettre son message de paix, à faire connaitre sa vie et son œuvre.
Préparons-nous déjà aux commémorations qui marqueront en 2023 le trentième anniversaire de son décès.
La Sagesse chinoise enseigne que les hommes accomplis réunissent cinq grâces : le savoir, le pouvoir, la richesse, la longévité et la bonne mort. Félix Houphouët-Boigny a été assurément un homme accompli !
La Tradition africaine, quant à elle, affirme que les vrais hommes de pouvoir en sont à leur septième réincarnation, celle qui permet, quand leur mission est réussie, de rompre définitivement le cycle des existences successives. Sans doute faut-il s’y référer pour comprendre cette loi du septénaire qui a rythmé les principales étapes de la vie prodigieuse du premier président ivoirien. Ainsi de ses sept compagnons fondateurs du Syndicat Agricole Africain, ainsi de ses sept fonctions ministérielles (six fois ministre français et Premier ministre ivoirien), ainsi de ses sept mandats présidentiels remplis en trente-trois années, ainsi de son décès le 7 décembre 1993.
Que Félix Houphouët-Boigny se soit éteint au petit matin est aussi un ultime symbole. Sa mort ne laisse pas son peuple et son pays dans les angoisses et les espérances mêlées des guetteurs de l’aube. Car il fait déjà jour. A nous d’entretenir la lumière pour éclairer le chemin de la liberté et de la dignité qu’il a su si brillamment tracer, et aller vers de nouveaux accomplissements.
Jean-Noël Loucou
Secrétaire général de la Fondation
Félix Houphouët-Boigny pour la
Recherche de la paix